lundi 5 mars 2007

[Voyages] Suicide supposé en revenant de Düsseldorf

Paris - Düsseldorf - Rennes / 11,035ème jour sur Terre (05 mars 2007)

Une heure de temps entre le Terminal 1 (de l'aéroport CDG) et la gare de Paris Montparnasse, ça devrait le faire ? Non, sans doute que non, par transport en commun il faut sans doute compter plus d'une heure, mais je fais un aller-retour sur Düsseldorf, passage éclair, et j'aimerais tout caser dans la même journée, donc en partant à 05h30 du mat de Rennes, et en faisant ce passage à Düsseldorf, j’espère avoir mon train à 20h05 le même soir de Paris pour Rennes.
Oui mais voila, en arrivant théoriquement à 19h à l’aéroport, c’est difficilement faisable le train de 20h05. Parce que le Terminal 1, là bas à CDG, c’est le Terminal avec des satellites, un gros cylindre tout en hauteur où pour sortir tu es obligé de monter par les escalators avant de redescendre par l’ascenseur. En gros on y croise Thésée, le minotaure, Ariane, son fil, sa bataille, sa grand-mère, c’est le Terminal reculé éloigné labyrinthique et tortueux. Tout est fait pour que tu te perdes, et je dois dire que c’est assez bien fait du coup. Les architectes ont du se marrer en pensant à la somme de gars qui rateraient leur avion au départ et leur train à l’arrivée. En sortant de l’avion, il faut courir sur un tapis roulant poussif qui monte et descend dans un décor de grotte de Lascaux. On dirait que le mur est fait de pop corn, et il en a fallu des séances de ciné pour tout couvrir. Chaque fois je me fais avoir, quand je sors du labyrinthe, je sais qu’il faut alors prendre la navette (la bonne, of course) qui mènera à la gare RER Aéroport CDG 1, ça prend 10 bonnes minutes. Oui parce que je sais qu’il faut prendre la bonne, mais ça ne m’empêche pas de ne pas le faire de temps en temps. Il faut ensuite courir sur le quai, et compter 42 minutes pour Denfert, changer et prendre le métro 6, courir à Montparnasse et prendre le train.
Alors quand j’additionne, je me dis dès le début que 20h05, non ça va pas le faire.
17h50 : à Düsseldorf, 15 minutes de retard au décollage. 15 minutes, c’est rien. Enfin à ce stade de l’histoire, ce n’était rien.
20h 14 : Mon intuition fut bonne de 9 minutes. Vous avez 14h de voyage dans la journée, et paf vous êtes dedans de 9 minutes. Surtout que là sans les 15 minutes de retard (au décollage), j’étais 6 minutes en avance. C’est ça les maths, ça t’aide à prendre conscience que tu es bien peu de choses… Bon pas dramatique, c’est du classique. Du coup il faut prendre le train suivant, le 21h05 au départ de Paris pour Rennes.
22h10 : Ce qui pourrait l’être tout autant, c’est le train qui s’arrête au milieu de nulle part, entre Paris et Rennes. Il y a des phrases toute faites : « en raison d’un incident technique, notre train est arrêté, veuillez ne pas sortir ». Non, c’est vrai? c’est con, il est tard, il fait nuit, il fait froid, on est on ne sait où, et je suis fracassé, mais je serais bien sorti pour prendre l'air, aller cueillir des coquelicots, déclamer du Saint John Perse en slip kangourou  "Azur, nos bêtes sont bondées d'un cri etc...". Heureusement que le contrôleur est de bon conseil
22h40 : Au bout de 30minutes, l’info tombe « notre train est immobilisé car nous avons percuté une personne. Nous attendons les pompiers et la police ». Là c’est affreux, il y a forcément les gens pour raler et se dire « merde c’est pas vrai, il le fait exprès ». Je ne sais pas s’il parle du pauvre hère qui a été happé par les roues du TGV ou l’inconscient qui se baladait près des rails, quoiqu’il en soit la fin n’en reste pas moins atroce et ne justifie pas que l’on pense à son sort de nanti ferroviaire…
22h41 : Les passagers appellent amis et parents et tontine pour raconter ça. Comme si c’était un exploit d’avoir percuté une personne, à les entendre c’est eux qui conduisaient et ils en sont fiers “allo maman? oui c’est moi, je serai en retard, on a percuté un gars dans le train. Non il était pas dans le train, on était en train de rouler et on l’a envoyé bouler, tu percutes?” J’avoue que je me suis fendu de peu de SMS pour la forme, si on voit que t’as un portable et que tu t’en sers pas dans ces cas là, les autres se disent que tu es louche…
22h51 : l‘excité du portable continue son répertoire “allo tatie comment tu vas? Bon en fait je m’en fous, c’est juste pour dire qu’on a percuté un mec en train, cool non? t’es fière de moi?”…
23h30 : les costumes cravates ne sont plus que des costumes, certaines personnes passent et repassent (pas les chemises) dans le compartiment, on sent que certains commencent à faire travailler leurs glandes sudoripares plus que de nécessaire.
23h55 : les costumes cravates vont se chercher une bière et font tomber le costume. Enfin juste le haut. J’essaie de dormir un peu, du coup.
00h05 : je crois que ce sera tout pour le somme, impossible de se reposer avec ces va et viens incessants, il y en a que l’odeur de la mort excite.
00h20 : on se met à rouler, aucune info sur le temps restant.
00h45 : on roule toujours, on ne sait toujours pas où l’on est. J’espère qu’ on sait où l’on va.
01h23 : Enfin la gare de Rennes. Je me place en 2e position pour sortir du wagon, j’espère que le mec devant moi va ouvrir rapidement la porte.
01h24 : on est tombé sur un demeuré qui voulait absolument ouvrir notre porte mais ne sait pas comment faire. Il appuie avec sa petite main sur le gros bouton, mais ça ne s’ouvre pas.
01h24 et qqs : j’appuie sur le bouton à mon tour, il fallait un peu plus appuyer. Si j’avais fait ça une minute plus tard, je pense que le wagon aurait mis en charpie le demeuré parce qu’à cette heure ci, personne n’a le temps de s’amuser avec une porte, on est tous crevés et on veut rentrer chez nous.
01h26 : je déboule pour prendre le taxi, mais il y a déjà des petits vieux qui se sont positionnés avant moi sur la dernière ligne droite (en faisant la technique dite « du sandwich de l’ancien »).
01h30 : toujours pas de taxi à l’horizon, je décide de rentrer par le vélo à la carte, la borne à vélo étant juste en face de la gare. Ma carte devrait marcher, ça fait un moment que j’avais appelé pour la débloquer.
01h32 : tiens non.
01h33 : Ma carte ne marche pas. Moi si.
01h41 : il se met à pleuvoir. Là aussi c’est du classique. Ma carte est à l’abri dans mon portefeuille. Moi pas. Je pense d’ailleurs à mon parapluie qui est à l’abri chez moi.
01h57 : enfin chez moi